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dimanche 16 mars 2014

Le pays creux de William Morris

Nombre de pages : 64 pages
Date de parution : 2012
Fiche du Livre

Quatrième de couverture
Alors qu’il est jeune garçon, Florian de Liliis assiste à une cérémonie au cours de laquelle son frère Arnald, à la suite d’une maladresse, est humilité et frappé violemment par la future reine Swanhilda. Les deux frères jurent vengeance, mais ce n’est que seize ans plus tard qu’ils décident de prendre les armes pour réparer cet affront et ôter la couronne à cette reine, haïe de son peuple à cause de sa tyrannie et de sa perfidie. Débute alors une autre histoire de vengeance, celle d’Harald le Rouge, fils de Swanhilda. Lors du combat qui oppose les frères de la maison des Lys et Harald, Florian tombe dans un précipice qui le conduit au Pays Creux, lieu de passage entre la Terre et l’Au-delà. Guidé par Margaret, il débute sa quête de la rédemption.

Publié en 1856, ce texte est considéré comme le premier roman de fantasy. Encore assez méconnu, il constitue pourtant un moment fondateur de ce genre fictionnel qui donnera naissance aux œuvres de Tolkien et de C.S. Lewis.

« Savez-vous où il se trouve – le Pays Creux ? Depuis longtemps, maintenant, j’en suis à la recherche, j’essaie de le retrouver – le Pays Creux – car c’est là que j’ai vu mon amour pour la première fois. Je veux d’abord vous dire comment je l’ai trouvé ; mais je me fais vieux, et ma mémoire me trahit : il vous faut patienter et me laisser réfléchir si d’aventure je puis vous dire comment c’est arrivé. Oui, à mes oreilles résonne un bruit de trompettes qui retentissent dans des landes désolées, de mes yeux et mes oreilles, je vois, j’entends le choc et le fracas des sabots de chevaux, le son et l’éclat de l’acier ; des lèvres retroussées, des dents serrées, des cris, des hurlements, et des imprécations. »

William Morris (1834-1896) fut imprimeur, poète, écrivain, peintre, conférencier, dessinateur, architecte et activiste socialiste.


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Avis de Lady Swan
Tel un conteur, Florian de Liliis nous raconte ce qu'a été sa vie, de son adolescence jusqu'à l'âge adulte. Il nous raconte ce qui l'a poussé à vouloir faire justice lui-même et les conséquences qui ont découlé de ses actes. Le jeune homme s'est ainsi vite rendu compte qu'accomplir les desseins du Créateur lui-même n'est pas la bonne solution. Il recherche désormais sa rédemption et un moyen de retrouver le pays creux. Là-bas il avait laissé l'amour de sa vie et, maintenant que celle-ci s'achève, il désire plus que tout au monde retrouver sa bien-aimée. Florian devra faire la paix avec ses démons intérieurs ainsi qu'avec ses vieux ennemis avant de pouvoir obtenir Son pardon.

Il est très difficile de faire une chronique d'un livre aussi petit. Je pense que l'on pourrait le classer dans la catégorie des contes. Loin d'être enfantin, cet ouvrage possède, selon moi, toutes les caractéristiques d'un récit de ce type. Un personnage principal imparfait en quête de la paix de l'esprit, un but qui semble impossible à atteindre, une évolution considérable du personnage, une morale à la fin de l'histoire. Bref, il ne manquait que la formule « il était une fois. ».

L'histoire n'est pas trop mal, mais elle ne m'a pas captivée autant que je l'aurais voulu. J'ai trouvé que le récit manquait cruellement de consistance. L'auteur s'attarde peu à la psychologie des personnages, à l'endroit dans lequel ils évoluent. On ne fait, en grande partie, que survoler. C'est l'un des points faibles qui ont fait que je suis déçue de ma lecture. Sur cinquante-deux pages, il y a énormément de descriptions inutiles et interminables. Je pense qu'on ne peut pas se permettre, avec un aussi petit livre, de s'attarder sur l'apparence des lieux pendant plusieurs pages. Évidemment, il n'y a pas que des points faibles car on se retrouve vite plongé dans les péripéties de Florian. Rapidement, je me suis mise à espérer avec lui, à me demander s'il allait finalement rejoindre son amour et trouver la paix d'esprit.

J'ai aussi aimé la forme du récit. Chaque chapitre correspond à un pan de la vie de Florian. Tous les chapitres représentent une petite histoire, une phase de son évolution. Le personnage principal est le narrateur. Il raconte sa vie, de son adolescence jusqu'à l'âge adulte. Je ne sais pas si c'est une faiblesse de l'auteur ou si c'est voulu, mais j'ai ressenti une certaine confusion dans les souvenirs de Florian. Ça le rend plus humain, ses sentiments plus intenses. J'ai dit plus haut que le récit manquait de consistance, mais il y a de brefs moments pendant lesquels j'ai été inondée par les émotions de Florian.

La religion est un élément très important car c'est à cause d'un affront à Dieu que notre protagoniste se retrouve dans une quête de rédemption. Sans être personnifié, Dieu est un personnage de ce récit car on nous montre qu'accomplir les desseins du créateur à sa place n'apporte jamais rien de bon. Que vouloir faire justice soi-même n'est pas le chemin à prendre. Je pense que tout cela peut être interprété d'une manière différente, et il est donc possible que je n'aie pas bien compris. Je vous laisse le soin de faire votre interprétation.

Il ne me reste plus qu'à parler de la plume de l'auteur qui est, soit dit en passant, magnifique! C'est selon moi le point le plus fort de l’œuvre. Il a un style complexe, fluide et poétique. Bien que ce ne soit pas un livre facile à lire, il en vaut tout de même la peine. C'est une lecture enrichissante. Je pense découvrir d'autres ouvrages de William Morris car, d'après ce qu'on dit, il est l'un des pères de l'heroïc fantasy et a inspiré de nombreux auteurs, tel J.R.R Tolkien. Ça reste à voir!

En conclusion, je suis à la fois satisfaite et déçue de ma lecture. Je tiens à remercier le Sanctuaire de la lecture ainsi que les éditions Aux forges de Vulcain pour ce partenariat tout de même enrichissant!


Avis de Inlandsis
Très court roman ou nouvelle, Le pays creux est un conte atypique.
Située au Moyen Âge, l'histoire nous fait suivre Florian de Liliis, le narrateur, de son enfance à sa vieillesse. Par ses souvenirs, Florian nous entraîne dans sa vie : depuis l'adoration de son frère aîné jusqu'à la vengeance face à l'affront qui lui était fait ; depuis sa découverte du pays creux jusqu'à sa quête pour le retrouver.
Le pays creux, sorte de paradis alternatif, est le Graal du narrateur et personnage principal, Florian. C'est un lieu enchanteur où Florian rencontre son premier et unique amour. Ce pays creux a de nombreux points communs avec les mondes des Sidhes dans les mythologies celtes : à la fois très proche et hors de portée, le temps semble y couler différemment et on y accède par des sortes de portes magiques situées dans des lieux reculés et réputés hantés. Attention, ici, toutefois, nous sommes dans un roman très chrétien et Florian, très croyant, explique que le Pays Creux est l’œuvre de Dieu. D'ailleurs, ce côté paradis alternatif est renforcé par la nécessité d'avoir trouvé une totale rédemption pour y accéder.
Le point de vue religieux est d'ailleurs quasi omniprésent dans le roman : les chevaliers sont tous très croyants. Le monde où ils évoluent pourrait presque être considéré comme un purgatoire où chacun doit faire son chemin pour choisir entre l'Enfer et le Paradis … et le Pays Creux. Ce caractère religieux chrétien est assez inhabituel dans les contes, bien qu'il puisse y être présent. De mon point de vue, il constitue donc un récit atypique.
La quasi-totalité des éléments classiques du conte est, par contre, présente. L'auteur nous plonge dans un Moyen Âge idéalisé : de valeureux et preux chevaliers à l'esprit vengeur, une vilaine sorcière/reine/usurpatrice, des batailles, une quête, une morale... Si ce n'est pas un conte, qu'est-ce ?
William Morris et son Pays Creux sont considérés comme les fondateurs de l'heroic fantasy comme nous les connaissons aujourd'hui. En effet, à plus d'un titre, ce roman en constitue une œuvre typique, pour ne citer que quelques points classiques du genre : le Moyen Âge, les chevaliers, la magie de la lande et du pays creux. Il apparaît donc logique qu'une telle œuvre ait inspirée d'autres auteurs qui ont ensuite ajouté les briques et développé le genre.

Le vocabulaire, volontairement désuet, voire archaïque utilisé par l'auteur apporte un charme particulier à ce roman du XIXème siècle ce qui, finalement, correspond assez bien au propos. Une remarque toutefois : à mon sens, le récit perd dans la traduction en français. Je m'explique... Loin de moi l'idée de critiquer le travail du traducteur, c'est simplement le fait d'avoir traduit l’œuvre qui me dérange un peu : je n'aurais probablement pas fait les mêmes choix. Ainsi, par exemple, le titre en version originale est The Hollow Land... en tant que geekette en puissance, Hollow Land pour moi c'est comme Hollow Man donc l'homme invisible et par extension « Le pays invisible », plutôt que creux, qui rappelle pourtant le terrier. Passé ce petit souci linguistique, la littérature et le style du XIXème sont, à mon goût, très agréables.
De plus, le style est assez typique de l'époque où le roman a été écrit. En effet, on s'intéresse ici peu aux caractères des personnages : untel est la vengeance, untel permet la rédemption, toutefois on sait peu de choses sur leur caractère intrinsèque. Par contre, on plonge à corps perdu dans les pensées de Florian, dans son analyse des situations a posteriori ainsi que dans les descriptions des lieux, comme si ces derniers et l'action prenaient l'avantage sur l'humain, résumé aux pensées d'un unique individu. Dernière petite remarque au sujet de la forme du récit : j'avoue qu'on est parfois un peu perdu en ce qui concerne l'histoire ou l'action, mais j'ai mis ça sur le compte de l'âge du narrateur à la fin de l'histoire ; après tout il avoue lui même ne plus avoir toute sa tête... Comment, alors, le récit pourrait-il être parfaitement net et structuré ? Les souvenirs, ce n'est pas comme ça que ça fonctionne, puisque leur perception est forcément subjective : elle dépend de ce qu'on était à l'époque et de ce qu'on est lorsqu'on les raconte.

Somme toute, j'ai beaucoup aimé découvrir ce récit à la base de l'heroic fantasy, mon genre de prédilection. Je remercie donc les Éditions Aux Forges de Vulcain ainsi que le Sanctuaire de la Lecture de m'avoir mis ce petit roman entre les mains.


Avis de Lolly
Savez-vous ce qu’est le pays creux ? Non ? Eh bien moi non plus, je ne savais pas de quoi il s’agissait avant de commencer ce livre. J’ai donc commencé par spéculer avant de me plonger dans ce petit roman, et je dois dire que j’ai été bien surprise.
Tout d’abord, par le genre de l’histoire. En effet, dès les premières pages, j’ai eu l’impression de lire un conte. Un de ces contes merveilleux dont raffolent les enfants, un conte plein de valeureux chevaliers, de seigneurs et de désirs de vengeance. Toutefois, cette histoire n’est clairement pas destinée à un public jeune : nous suivons les souvenirs de Florian de Liliis, désormais vieil homme, et sa recherche du pays creux. Nous commençons par son enfance, où il décide de venger son frère pour une question d’honneur. Mais il comprend bien vite que d’agir à la place de Dieu n’est pas une solution et, le cœur et l’âme tachés par cette mauvaise action, il se met donc en quête du pays creux, où il avait laissé son amour, et cherche à obtenir le pardon du seigneur.
La narration est quelque peu surprenante, car si on s’attarde beaucoup sur les pensées de Florian, on en sait finalement très peu sur son caractère. Les autres personnages m’ont eux aussi paru très simples et peu développés, et je pense que quelques pages supplémentaires s’attardant sur leur psychologie auraient apporté beaucoup à ce court roman. De même, l’inconsistance dans la description des lieux m’a parfois dérangée. En effet, on parle beaucoup du pays creux, mais on n’en a jamais réellement l’image car il n’est pas détaillé – sous prétexte qu’il est trop beau pour être décrit. Par contre, lors des scènes de batailles, l’auteur s’attarde sur certains éléments qui m’ont paru bien insignifiants : les vêtements des combattants sont décrits avec précision, tout comme leurs mouvements, et cela devient quelque peu répétitif. Il y a donc un grand déséquilibre entre les descriptions des lieux, qui sont presque inexistantes, et celles de l’action, qui sont bien trop fournies à mon goût.
Un autre point qui m’a surprise est le style de l’auteur, très soigné et complexe. Le vocabulaire est recherché et la présence de quelques termes techniques de l’époque des chevaliers et des seigneurs rend le tout très réel. Il est vrai que ce n’est pas facile à lire, mais après quelques pages, quand on s’habitue à la plume, c’est très agréable et poétique, et on peut le lire avec fluidité. Ce que je déplore, toutefois, c’est que plus on avance dans la lecture, plus de petites erreurs de typographie se glissent dans le texte. Ce qui est dommage au vu du talent manifeste de l’auteur.
Ce qui m’a un peu plus freinée dans ma lecture, c’est la confusion que j'ai ressentie dans les descriptions des pensées de Florian. Je pense que, d’un côté, cela fait partie du charme de cette histoire car, après tout, Florian nous explique au début qu’il est un vieil homme et que sa mémoire lui joue quelques tours. Avec cette organisation, on a vraiment l’impression de se trouver dans sa tête, emporté par le flot de ses souvenirs. C’est toutefois un peu déroutant, et j’ai dû laisser reposer le livre après l’avoir terminé, puis reprendre quelques passages avant de bien comprendre le tout.
Le pays creux m’a donc plu dans l’ensemble, même si j’aurais souhaité qu’il soit plus développé, car on arrive à la fin sans même s’en rendre compte. Les personnages manquent un peu de personnalité et les lieux de couleurs, mais l’action est prenante et Florian très attachant. La plume de William Morris est très belle, mais pas toujours facile à comprendre, et une bonne connaissance de la langue française et éventuellement du vocabulaire de la période des seigneurs et chevaliers est nécessaire pour apprécier la lecture à sa juste valeur. Bien qu’elle s’apparente quelque peu à un conte, c’est une histoire qui est, selon moi, plutôt destinée à un public adulte et mûr en raison des thèmes importants décrits : la rédemption, la vengeance, la mort…
Je remercie finalement le forum Accros et Mordus pour l’organisation de ce partenariat, et les éditions Aux forges de Vulcain pour la découverte de cet univers magique que je n’aurais jamais découvert autrement.


Avis de Aurélie
Le Pays Creux renferme l'histoire de la vie de Florian de Lilis, un homme élevé selon un code d'honneur que l'on peut aisément comparer, au sein de la littérature, au code d'honneur des Chevaliers de la Table Ronde. Le sens de la famille prime face à toutes choses et sa quête a pour but de venger son frère. Il découvre sans le vouloir Le Pays Creux où il rencontre son Unique Amour. Il vit en ces terres une vie de plénitude et cet avant-goût de paradis le force, une fois un âge avancé atteint, à vouloir y retourner pour finir sa vie.

Le Pays Creux tient plus du conte que du roman de fantasy à mes yeux. On suit le parcours initiatique d'un héros qui, mortel, commet de nombreuses erreurs. Son principal faux pas réside dans son désir de rendre justice lui-même. En prenant ainsi la place de Dieu, il outrepasse son statut de simple être humain et s'attire la foudre du destin. Cet ouvrage est imprégné de la culture chrétienne, des croyances des hommes. Il s'agit d'une épopée teintée de religion que nous offre ici William Morris. Seulement, on peut tout de même considérer que l'oeuvre est effectivement du domaine de l'heroic fantasy ; notre héros est un chevalier évoluant dans un monde inspiré du Moyen-Âge, il affronte une Reine qui semble osciller entre la créature qui le pousse à la faute et celle dont la mort l'oblige à se repentir toute sa vie durant. Le mélange entre fantasy et religion est assez habile ; il permet de séduire un type de lecteurs qui se serait laissé facilement effrayer par un conte tournant uniquement autour de la religion chrétienne pure et dure. Je fais partie de ce groupe-là et j'ai été surprise de ne pas être rebutée par la présence constante de la religion.

Les personnages sont très peu explorés, mais cela semble naturel. On se retrouve tellement pris dans les pensées du héros, dans ses réflexions, que ce n'est qu'une fois la lecture terminée que l'on se demande pourquoi on sait si peu de choses sur qui il est, tout en connaissant la quasi-totalité de son histoire. L'homme que Florian de Lilis cherche à retrouver est présenté comme un être malfaisant tout au long de la quête et, lorsqu'il apparait à la fin, on se rend compte qu'il n'y a pas de personnes bonnes ou mauvaises ici, mais plutôt des personnes ayant suivi ce qu'elles pensaient être juste. Des personnes qui ont dû passer leur vie entière à chercher le pardon pour leurs erreurs.

Notre héros retrouve enfin le Pays Creux lorsqu'il a terminé sa quête de rédemption. Un avant-goût lui avait été offert afin qu'il puisse trouver un sens à sa vie, sens qu'il a découvert après de nombreuses épreuves. On retrouve là tout le processus dicté par la religion, mais qui colle à nouveau à la quête d'un héros de roman de fantasy.

Malgré la construction habile du conte, je n'ai pas réussi à entrer complètement dans cette lecture. Le vocabulaire employé n'est pas celui que je côtoie habituellement et cet aspect m'a plu, mais cela n'a pas suffi. Je n'arrive pas réellement à définir ce qui n'a pas fonctionné avec moi ; peut-être le fait que, finalement, 52 pages se lisent bien trop vite pour avoir le temps de plonger la tête la première au coeur de l'histoire. Cela peut aussi tenir dans le côté flou de l'organisation des événements : le récit est celui d'un vieil homme contant sa vie, un homme qui prévient celui qui l'écoute que sa mémoire peut se révéler être défaillante. J'ai peut-être été perdue dans cette défaillance du personnage.

Le Pays Creux est un conte agréable à lire pour qui n'a pas peur de se retrouver face à un langage plus soutenu qu'à notre époque. J'ai réussi à lire facilement ce livre, à apprécier ce qu'il avait à apporter, mais ce n'est pas un ouvrage qui m'a réellement marquée. Peut-être ai-je aussi eu du mal à saisir tout ce qu'il avait à m'offrir.

Je remercie les éditions Aux Forges de Vulcains pour m'avoir permis de découvrir l'un des tous premiers ouvrages de fantasy.

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